Ancrages

Autour de Schroeder, une nébuleuse d'influences

Situons Schroeder comme:
1/ un enfant de la guerre déraciné, d'une germanitude hypothétique et sans lien du sol:

Barbet Schroeder nait en 1941 à Téhéran, d'un père suisse francophone et d'une mère allemande en pleine invasion anglo-soviétique de l'État impérial d'Iran (entre le 25 août et le 17 septembre 1941 - opération Countenance, puis occupation ) dont le but était de sécuriser les champs pétroliers britanniques et de garantir une route de ravitaillement vers l'URSS, engagée contre l'Allemagne nazie sur le front de l'Est. Il y reste 7 ans, bien que d'origine germanique.
De sept ans à onze ans, il vit en Colombie "sous les tropiques, dans un univers très violent,... très paradisiaque aussi". 
Après le divorce de ses parents, sa mère lui fait mener ses études secondaires à Paris. Cette arrivée au lycée a été vécue de façon semble t il un peu traumatique;
"Quand je suis arrivé à Paris, l’adaptation a été très dure...., j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter à la France, je ne me suis jamais complètement senti français. En arrivant, j’ai vu des scènes qui m’ont beaucoup plus glacé le sang que toutes les horreurs que j’avais pu voir en Colombie. Chaque fois qu’il y avait une bagarre dans la cour du lycée Condorcet, tout le monde se mettait autour et criait : « Du sang ! Du sang ! » Cela paraissait normal pour les élèves, pour moi c’était horrible. Peut-être parce que j’avais vu beaucoup de vrai sang en Colombie

2/ d'un rapport familial compliqué avec le régime nazi et d'un intérêt héréditaire pour la psychiatrie:

Son grand-père maternel, Hans Prinzhorn, qu'il n'a jamais connu car mort en  juin 1933 ( année où sa mère quitte l'Allemagne) était une notoriété, psychiatre et historien d'art allemand qui a constitué une collection d’art psychopathologique. Ses travaux scientifiques ont permis de reconsidérer dès 1922 le regard porté sur l’"art des fous". Mais cette collection a été prise en otage, dans un but de propagande, en 1937 pour alimenter l'exposition itinérante d’art dégénéré organisée par les nazis aux côtés d’œuvres surréalistes et cubistes pour les discréditer. 
En 1921, Prinzhorn se recentre sur une carrière de psychothérapeute avec des publications. Il se mariera 3 fois. 
" Ma mère, qui est allemande, ne m’a jamais parlé sa langue, parce qu’elle a quitté l’Allemagne en 1933 et qu’elle n’a plus jamais voulu parler allemand avec qui que ce soit, ni acheter des produits allemands. Je n’ai pas de langue maternelle, je n’ai pas de pays. Et en plus je suis né à Téhéran et j’y ai passé les premières années de ma vie"

3/ souffrant régulièrement d'un voisinage de "pseudo compatriotes" antipathiques, encombrants et dangereux:

Pendant sa jeunesse, il vient souvent en vacances à Ibiza, dans la villa du film car elle appartenait à sa mère. Schroeder explique que des voisins proches de la maison d'Ibiza étaient des "réfugiés" nazis qui, au début des années 50, recevaient souvent la barbouze SS Otto Skorzeny  
Ce dernier est connu pour avoir mis en place le réseau ODESSA d'exfiltration et de soutien des SS recherchés. Il se finançait par le traffic d'armes et, pourquoi pas, de drogue. 1943: il est envoyé en France, sous la fausse identité de Dr Wolf, pour vérifier à Vichy l'état de protection du maréchal Pétain.1970, il était activiste anti communiste dans le "Paladin group". Il a été approché par le MOSSAD.
Voilà donc l'archétype du Dr Wolf, ses convictions, ses activités et sa moralité.

4/ tombé sous le charme de Paul Gegauff ( co-scénariste de More)  rencontré au cercle des Cahiers du cinéma: 

"Il était alsacien et de culture plus proche de l’Allemagne. … C’était quelqu’un d’incroyablement brillant, de très drôle, de très vivant. Il représentait la jubilation de la vie, une culture extraordinaire qui ne se prenait jamais au sérieux, il n’était pas pontifiant... Il était amateur de littérature bien sûr, du romantisme allemand, mais aussi des autoportraits de Rembrandt et des aquarelles de Dürer ".
Paul Gégauff se faisait remarquer par ses scénarios en huis clos étouffants et pervers. Dans More il a voulu amplifier la jalousie obsessionnelle de Stefan. 

Finalement Gegauff, mort assassiné par sa jeune maitresse scandinave de 36 ans sa cadette après 2 divorces, était culturellement plus Allemand que Schroeder.
Gegauff souffrait d'un imaginaire et d'une cultures débordants.
More lui doit sa structure en tragédie grecque mâtinée de conte traditionnel germanique, la pesanteur  psychologique de son intrigue. Il est l'intervenant principal dans la mise en forme et la subtilité scénaristique du film. Comme l'indique le générique d'entrée, son nom Gegauff en première position et en lettres deux fois plus grosses que celles de Schroeder.


 






1967, est l'année de la mort d'Ernesto Guevara, dit le "che"

https://barbet-schroeder.com/interviews/interview2/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Otto_Skorzeny
https://fr.wikipedia.org/wiki/Paladin_group
https://www.deniaactu.com/actualites/la-retraite-doree-de-nazis-a-denia/

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